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II

18 décembre 2008

Famille (ébauches)

Son fils a grandi, et c’est peut-être ce qui lui fait le plus de mal. Non qu’elle soit malheureuse de cette croissance, de constater chaque jour combien il devient plus fort, plus beau, de constater chaque jour qu’il devient, de le voir devenir un homme. Mais justement, dans un éclair chaque matin, elle ne le voit pas devenir un homme, elle le voit devenir lui, l’autre. Elle entend sa voix devenir la voix de l’autre, qu’elle entend encore incessamment. Elle sursaute, et le sentiment persiste, malaisé par touches lancinantes qui vont decrescendo jusqu’à la fatigue troublante du soir.

Quand il était adolescent, quand il était enfant, c’était autre chose, mais à présent, elle ne peut plus lui échapper.

ou bien encore...

Son fils est loin. Elle l’a écarté, il fait ses études à l’étranger. Dès qu’il a pu, il est parti. A-t-il conscience des sentiments mêlés de sa mère ? L’amour sans borne et la douleur de le voir quotidiennement, devenir chaque jour un peu plus l’autre, qui ne veut pas s’en aller. Qui refuse de s’en aller.

Aye, there’s the rub. For elle ne peut pas faire son deuil car il est présent partout, à la radio, au cinéma, on ne peut faire deux pas sans croiser son fantôme ou l’un de ses avatars.

Ce n’était pas n’importe qui. Déjà de son vivant, c’était un mythe. Et, mort, c’est presque pire, car le concert est depuis exclusivement élogieux. On ne dit de lui que du bien. Et quand son fils lui parle, c’est, depuis qu’il a mué, la même voix que l’autre à la radio, sans l’alcool et la cigarette — mais c’est finalement peu de chose.

ou bien encore...

Son fils est loin. Elle l’a écarté, il fait ses études à l’étranger. Dès qu’il a pu il est parti. A-t-il conscience des sentiments mêlés de sa mère ? L’amour sans borne et la douleur de le voir quotidiennement devenir chaque jour un peu plus l’autre qui se refuse à s’en aller.

Parce que c’est ça le problème. Elle ne peut faire son deuil car il est présent partout, à la radio, au cinéma, on ne peut faire deux pas sans croiser son fantôme ou l’un de ses avatars. Ce n’était pas n’importe qui. Déjà de son vivant, c’était un mythe (bof, très bof, ça). Et mort, c’est presque pire. Le concert est devenu exclusivement élogieux, on lui pardonne tout. On ne dit de lui que du bien. Et quand son fils lui parle, c’est la même voix que l’autre à la radio. Difficile de faire la part des choses, de dissocier les deux, de ne pas projeter plus que de raison l’un sur l’autre.



Dernier ajout : 13 avril. | SPIP

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