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Sans Titre XIX

4 février 2010

Nature morte

Je suis irrémédiablement fasciné, envoûté, séduit (jusqu’au plus profond de mon sensuel), par le talent. Surtout lorsqu’il s’exprime hors de soi et sur une scène. Plus encore lorsqu’il se projette invisible, ondes vibrantes, cheveux hérissés.

Elle est lumineuse cette chanteuse. Lumineuse, aérienne, pleine de grâce — on croirait ce paysage de vallée enneigée, le vent froid inlassable de l’hiver soulève jusqu’à quelques mètres de hauteur de fines particules blanches étincelantes, un fin brouillard pulvérisé (les Inuits doivent avoir un nom pour ça, nous, non, inventons-en un) brivomette ; au-dessus, le ciel est d’un bleuveuglant, la lumière rit, fraîche et légère, l’air pétille de plaisir sous l’œil indifférent de quelques pins et de quelques rochers qui hibernent en faisant le gros dos. Et cette fine poussière d’eau glacée qui vole en cadence, escadrille du froid sans but ni cible, touchant tout d’un doigt glacé mais sans hostilité. La chanteuse est comme ça, elle est d’une grâce éphémère, son rire d’une fraîcheur désarmante, sa colère haletante fait frémir, sa tendresse bouleverse, son souffle étreint, ses yeux lancent des éclairs au chocolat.

Hors scène, elle peut être adorable, piquante, ordinaire, pataude, pleine d’humour, aux traits grossiers, aux formes ingrates. Qu’importe. Sur scène, elle n’est que magie, elle n’est plus que sensualité, elle n’est plus que désir et ouvre en moi images disloquées, prismatiques, inconciliables.

On la contemple comme on regarde la neige, comme on regarde le feu, comme on regarde la mer — car elle est tout ça à la fois, et plus encore.



Dernier ajout : 28 mars. | SPIP

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