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Samedi 20 juin

20 juin 2020

Leçons (dés)apprises

Lorsqu’un de ses meilleurs amis, non-fumeur, meurt d’un cancer du poumon, on arrête de fumer. Pour reprendre graduellement une demie douzaine d’années plus tard. Un peu plus fin, une de mes connaissances, dont le père avait succombé lui aussi d’un cancer du poumon, avait quant à elle décidé de ne jamais fumer… des cigarettes ! Mais les joints, ça oui. Idem après une alerte cardiaque par exemple : combien qui s’arrêtent pour reprendre ensuite, une fois la frousse passée ?
Ça me fait penser à mes enfants (à tous les enfants !) qui, malgré une chute spectaculaire (qui fait toujours plus de peur que de mal, bien heureusement), reprennent leurs jeux acrobatiques quelques minutes plus tard. Et le nombre de chutes n’a semble-t-il aucune incidence sur leur enthousiasme.
On excuse facilement ces comportements chez les enfants, dont la recherche de plaisir et d’amusement prend le pas sur le souvenir du (mini) trauma. Et puis on sait que la pédagogie est souvent affaire de (multiples) répétitions. Pour les adultes, en revanche, on se dit sans en penser moins qu’ils prennent leurs responsabilités — mais il est fort probable que le processus d’oubli est le même (au reste, le terme « plaisir » semble un peu usurpé dans le cas d’une addiction).
J’en ai déjà parlé dans ces pages, mais cela est aussi valable à l’échelle de populations entières et de géopolitiques : après la Grande Guerre, la Société des Nations, qui échouent à éviter le deuxième conflit mondial, lequel pousse à créer des instances promotrices, bon gré mal gré, de paix, telles l’ONU ou l’Union Européenne. Avouons que, dans une certaine mesure, ça a pu fonctionner. Un peu. Mais le précédent de la Shoah n’a pas empêché le Cambodge, le Rwanda, la Yougoslavie ou l’EI. On pourrait se dire que cela ne concernait pas les mêmes peuples, que cela ne s’était pas passé suffisamment près ou récemment. Possible.
Aujourd’hui, l’Europe enfin se réveille — on peut évidemment que c’est encore trop peu, et surtout trop tard, et qu’on n’est même pas sûr que les deux yeux soient bien ouverts —, mais c’est un fait : ce que la crise de la zone euro n’avait pas réussi à faire, non plus que la crise des réfugiés, la Covid y est parvenue, sortant le géant de sa léthargie sous respirateur.
Reste une question : pour combien de temps ? Combien de temps l’adrénaline sécrétée par km3 continuera-t-elle d’agir pour pousser l’Europe dans le bon sens : celle d’une plus grande égalité et d’un fonctionnement plus harmonieux ? Quand l’Europe se remettra-t-elle à fumer ?
Pour le reste du monde, je crains qu’il ne cesse jamais, engloutissant paquets par paquets, voire prenant d’autres drogues de plus en plus nocives.
Sans parler que la fumée n’est certainement pas bonne pour le réchauffement climatique — comme il est étrange, au tournant d’une métaphore, de découvrir un impensé inattendu !



Dernier ajout : 28 mars. | SPIP

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