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Sans-Titre VII

12 juin 2008

| Souvenir — souvenir gênant et amusant à la fois |

La première fois que je l’ai rencontrée, j’y suis allé sans arrière-pensée. Tout dans mon discours, mon ton et ma posture, indiquait le mode de la séduction ouverte, sans ambages ni embarras. Ce n’est que très tard dans la soirée, je crois, que j’ai découvert qu’elle était mariée (« Mariée ! Deux enfants ! ») avec l’une des stars de la soirée.

Très jolie femme, intelligente, ouverte, à la fois posée et avec quelque chose de pétillant au fond des yeux. Soit dit en passant, elle et son mari forment un très beau couple. Ils vont fort bien ensemble et font partie des gens sympathiques qui vous feraient presque croire au mariage et à certains idéaux modernes de la famille.

Mais ce soir-là, non. Ce soir-là, je l’avais vue au théâtre, avant le concert puis à l’entracte. Pris par mon habituelle solitude des déplacements professionnels, j’ai accroché puis me suis attaché à son regard, non seulement par plaisir, par jeu et par goût, mais aussi pour combler un peu ce manque de contact quotidien inhérent à mon métier. Pour oublier, d’autres boiraient — moi, je drague (et je bois, aussi, d’ailleurs).

Sa conversation était si constructive, si intelligente et pleine de bonnes idées et — ô joie — ne concernait nullement la musique, qui aurait du nous réunir en cet endroit, bouffée d’air frais quand il semble que, même en parlant d’autre chose, tout le monde a l’air de parler musique — le sujet n’est jamais bien loin du conscient, jamais bien loin des lèvres.

Je remarque d’ailleurs que les amitiés que je me suis faites grâce à mon métier ont toutes débutées grâce à un sujet extra musical, souvent artistique il est vrai, mais non musical (littéraire, artistique, philosophique, politique rarement, ou un mélange de tout ça).

If I look back my relatively short life, je constate que toutes mes amitiés ont commencé ainsi : en se découvrant un autre centre d’intérêt que celui qui était censé nous réunir, et en découvrant que ce nouveau centre d’intérêt était bien plus profond, bien plus riche et en cachait bien d’autres.

Mais revenons à... J’ai été très heureux de la trouver au repas d’après concert — sans pour autant réfléchir au pourquoi de sa présence, qui aurait pu m’alerter —, dès que j’ai pu, j’ai engagé la conversation, trouvant un équilibre idéal entre la discrétion, l’humilité et l’intellectualisme. Un petit problème, au début sans doute, pour aviver le débat, mais très vite tout marche comme sur des roulettes. Elle se prête au jeu. Je remarque bien sa bague, mais c’était encore le temps où je n’y prêtais pas attention, considérant que tous les obstacles pouvaient être abattus d’une manière ou d’une autre.

Depuis, chaque fois que je la revois, il y a dans son sourire un petit air de malice qui se souvient de ces premiers instants d’amitié ambiguë. L’ambiguïté, elle, a disparu, mais il reste une complicité inarticulée, venue de mon erreur et de son jeu.



Dernier ajout : 13 avril. | SPIP

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