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21 août 2007 — 23 h 54
dimanche 13 juillet 2008, par
Pas d’humeur. Je ne sais même pas pourquoi je suis venu ici. Par habitude, sans doute, routine. L’envie d’un peu de grouillement autour de moi, rompre la solitude. La certitude d’y trouver une animation raisonnable dans notre capitale désertée.
On entend encore plus d’anglais et d’américains que d’habitude, touristes obliges. Même les dragueurs sont obligés de s’y mettre, s’adaptant ainsi à leurs proies : blondes évaporées WASP, rousses frisées et opulentes irlandaises, brunes et mates espagnoles, on trouve de tout. Et c’est presque rassurant de voir les efforts que déploient les garçons pour s’y adapter. Même si certains profitent du talent pour les langues de certaines jeunes filles : pas de bol, ce sont rarement celles qui les intéressent, mais les autres, leurs copines, faire-valoir communes, médiocres de celles qu’ils convoitaient originellement.
Les prédateurs sont déçus, mais leur déception devient minute de gloire pour elles habituellement délaissées — peuvent enfin faire montre des quelques trésors intérieurs qu’elles recèlent. Curieux renversement, vraiment, duquel seul un séduisant cosmopolite, cultivé, fort en thème (c’est si rare, hélas !) saura tirer parti, sinon plus.
Mais, avouons-le, même les beautés touristiques justifient rarement les efforts mis en œuvre. On ne peut se mettre sous la dent que ce qu’il y a en magasin.
Et les dragueurs se trouveront alors devant ce problème insoluble : passer une soirée entière à essayer de séduire la belle, par le truchement de son amie, pour ne parvenir finalement qu’à éveiller la curiosité de cette dernière, peu encline certainement (par son manque d’habitude) à sauter au lit dès le premier soir avec leurs rencontres fortuites.
(Je n’étais pas d’humeur, mais finalement, ça avance, non ? Enfin, avancer est un terme sans doute un peu trop fort.)
D’autant que nous avons pour l’instant laissé de côté le problème essentiel : les touristes sont plus souvent en groupes mixtes de 3, 4, 5 ou 6 personnes et l’accession à l’objet de convoitise s’en trouve sérieusement compliquée. Les quelques garçons qui papillonnent restent alors seuls, leurs verres à la main, le regard balayant l’espace plongé dans la pénombre rougeâtre, et les groupes de Dom Juan du dimanche (on est mardi, mais bon, m’emmerdez pas avec vos formalités) sortent rapidement après un pauvre verre ou sans attendre même d’avoir commandé ou de s’être installés.
À ma droite se trouve sans doute le seul couple potentiel à avoir une chance ce soir. Il est fort bien apparié d’ailleurs : un espagnol gominé et une blonde américaine qui n’e peut mais. Lui est dans l’attitude (et même la posture) de l’assiégeant : penché en avant, les bras posés sur la table et le dossier de la banquette, les jambes ramenées sous lui (ou presque) comme en plein sprint vers sa belle. Elle est intéressée mais veut prolonger la discussion avant de céder, ne pas se montrer trop facile : jambes croisées, les bras souvent de même mais dès que sa surveillance se relâche son visage s’avance, ses mains plongent dans ses cheveux ou jouent avec les mèches, son buste s’avance (profitant du bruit ambiant pour tendre l’oreille). Peut-être est-elle plutôt nordique, d’ailleurs : le serveur rompt soudain la magie, elle parle un français excellent (ou allemande, qu’en sais-je, j’ai beaucoup de mal à reconnaître les accents). Elle m’énerverait rapidement de toutes façons. son américain est excellent.