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Lunettes

samedi 12 juin 2010, par Jérémie Szpirglas

Ce n’est pas lever un voile, c’est chausser des lunettes. Chaque lettre a son contour, chaque mot sa couleur, et le réel se cisèle au fil de la plume. On y distingue un océan qui lui, une hélice métallique qui tourne majestueusement dans l’éclat d’un couchant lavé par les pluies, quelques éclats de couleurs — comme des éclats de rire d’enfant dans une cour de récréation (en plus tranquille et moins bruyant), des lignes au cordeau, au couteau, au rasoir, qui fendent l’air comme une étrave puissant l’eau qu’elle retourne devant elle.

Mais sitôt la plume reposé, sitôt le travail derrière soi, on laisse lourdement retomber le voile, on envoie valdinguer les lunettes à l’autre bout du parquet et l’on juge sans sa plume un réel pré-modelé. On n’y voit plus qu’une cruauté quotidienne, une paranoïa confite dans l’individualisme, des zones grises, des zones troubles — tout ce qu’on avait le loisir d’ignorer — des compromissions, et un calme plat, encalminé, pesant sur les épaules qu’on avait un moment libérées/