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Samedi 21 mars
samedi 21 mars 2020, par
On pourrait croire que, dans notre situation, les journées se fondraient les unes dans les autres dans une forme de monotonie grise et uniforme, l’une après l’autre s’enchaînant indistinctement. Ça viendra peut-être. Après tout, cela ne fait que quelques jours. Pas encore une semaine. N’insultons pas l’avenir.
Mais pour l’instant, ce serait bien mal connaître les jeunes enfants que d’imaginer qu’ils laisseront deux journées de suite se ressembler. Dans notre cas, ne serait-ce que la présence de leur mère change du tout au tout leur comportement : le fait de pouvoir jouer sur les deux tableaux semble leur faire croire qu’ils bénéficient d’une plus grande liberté. Liberté de ne s’habiller qu’après 11h, liberté de mettre l’appart sens dessus dessous, liberté de désobéir, liberté de se faire mal les uns aux autres.
Hier a été, à quelques menus détails près (mais quand on est parents, on n’est pas à quelques détails près, c’est bien connu), une journée parfaite. On a (presque) suivi l’emploi du temps décidé ensemble en début de semaine. On a fait des devoirs (pas tous, et peut-être pas ceux qui avaient été prévus par les maîtresses pour ce jour-là, mais j’ai le sentiment que l’essentiel est d’avoir pratiqué), on a fait un peu de sport, on a fait un peu de musique, on est sortis prendre l’air, on a mangé aux bons horaires, on a joué, on a applaudit à 20h. Tout y était.
Aujourd’hui, le week-end est l’occasion pour moi de… bosser ! Autrement que tard le soir ou dans la nuit. Bref, rien à voir. Même si le ciel tendrait effectivement à nous faire croire que la grisaille est en passer de prendre le pouvoir sur nos vies.
Aujourd’hui, j’ai également eu un début de confirmation de mes craintes quant à la nature humaine et à ses réactions ataviques à des situations telles que celles-ci : déjà, des rumeurs circulent dans l’immeuble. Unetelle aurait acheté au noir des masques dont elle n’aurait nul besoin, untel est malade mais continue à sortir, sans prendre la moindre précaution de ne pas toucher les rampes ou les boutons d’ouverture de porte, une autre ferait jouer ses petits enfants dans la cour alors que le règlement de copropriété l’interdit (et alors ? Le règlement de copropriété ne dit rien des comportements « en bon père de famille » dans les périodes de confinement). Notre chère gardienne (et ceux qui connaissent nos déboires avec elle sauront toute l’ironie qu’il y a dans cette expression) n’hésite bien sûr jamais à mettre de l’huile sur le feu.
Le corbeau n’est jamais loin. Les dénonciations. Ce serait affligeant si ce n’était si familier. Et si dangereux à terme. En période d’épidémie, on a tôt fait de désigner des boucs émissaires et à s’en prendre à eux sans réfléchir : qui a empoisonné le puits ? Qui a jeté un sort ? Qui enlève les enfants pour des sacrifices humains rituels ?
Plus que la létalité de ce virus, cette maladie bien connue de la nature humaine est ce qui me fait le plus peur. Et le confinement en est un puissant catalyseur.
Quant aux théoriciens du complot, ils ont plus d’eau qu’il n’en faut à leurs moulins. Les polémistes politiciens n’hésitent pas à en rajouter. Sans parler de ceux qui profitent de la crise pour rester au pouvoir (suivez mon regard : il suffit de suivre l’orientation spatiale des églises) Là encore, c’est un facteur de déstabilisation de nos sociétés, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour s’en apercevoir.