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Dimanche 5 avril

The Appartment (les fans de Wilder me comprendront — ou pas)

dimanche 5 avril 2020, par Jérémie Szpirglas

On échange les rôles. Pour une fois, c’est moi qui suis à plat. Pas totalement. Mais quand même plus qu’elle. Elle a le sourire. Elle a bien dormi. Elle me raconte avoir fait d’agréables rêves pour la première fois depuis bien longtemps. Moi : sommeil de plomb. Réveil un peu plombé également. Et bras et jambes lestés au lever. Réflexes émoussés. Difficile de rattraper un énergumène au vol pour lui enfiler une chaussette ou débarbouiller les traces de chocolat qui soulignent les contours de sa bouche.
Je n’ai qu’une envie : trainer. Dérouler toute ma longueur sur un canapé et perdre mes regards dans le vide. Facile à dire. Car même une mission aussi manifestement simple est impossible dans les circonstances : voilà un garçon qui me saute dessus, exige un câlin allongé (il faut que je me redresse, il me saute dessus pour me faire basculer vers l’arrière et me faire un câlin d’approximativement 5 secondes avant de recommencer du début. En courant bien sûr.). Puis un deuxième qui veut la même chose. Et les voilà qui tirent chacun un bras. S’ils avaient chacun la force d’un cheval, ce serait l’écartèlement. Dans mon cas, j’admets volontiers qu’il y a pire torture que deux garçons me donnant tant de preuve d’amour et de bonne humeur. Mais je n’ai pas l’énergie.
Et que croyez-vous que fut la solution ? Qui me sera donnée par la mère même de ces boules d’énergie ? Mais va travailler, tu seras plus tranquille, ça te reposera. Et oui. Exactement comme quand on rentre de vacances et qu’on a le sentiment qu’on va enfin pouvoir se reposer de toute l’énergie dépensée. Aller travailler est ma seule manière de me reposer aujourd’hui. Au lieu d’une sieste dans mon lit, une petite séance de travail bien méritée. Au boulot !
C’est donc ce que j’ai fait : j’ai pris mon ordinateur et je suis monté dans mon tour d’ivoire, tout en haut, tout en haut, dans mon petit bureau, avec une vue imprenable sur la Tour Eiffel qui se au loin, sur le dégradé de bleu du ciel [1]. Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe (euh…), calme (ah ça oui) et volupté (alors là non : n’allez pas croire que mon bureau est une garçonnière). Mais le calme… Ah… Le calme… Quelle volupté (ah bah si, finalement : le calme et ici une vraie volupté — sinon l’unique volupté recherchée ces jours-ci) !


[1La France n’est pas encore tout à fait à l’arrêt : il reste encore une petite nébuleuse de pollution