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Lundi 13 avril
Lundi de Pâques
lundi 13 avril 2020, par
Surprise pascale !
Hier soir, notre aîné a manifestement décidé que ce serait une bonne idée de mettre son réveil. Oui. Parfaitement. Mettre son réveil. Pour le lundi de Pâques, en pleines vacances scolaires, et en période de confinement. Bien heureusement, il ne l’avait mis qu’à 8h10 — ce qui a laissé largement de temps à sa petite sœur et à son petit frère de nous réveiller avant.
Magie de la période, contrairement à ce qui se passe habituellement lorsque son réveil sonne (c’est-à-dire qu’il le laisse sonner pendant parfois plus d’une demie heure, dans l’indifférence absolue d’un sommeil angélique, insouciant de l’heure qui tourne et de l’école qui l’attend), il s’est immédiatement levé, a éteint la sonnerie et est venu nous salué en déclarant fièrement : « Ah ! J’ai fait la grasse matinée ! Je suis gentil, hein ? »
Et oui. Parce que, pour lui, faire la grasse matinée, c’est une gentillesse qu’il nous fait… Parce que, ce faisant, il nous laisse dormir nous aussi, et faire un semblant de grasse matinée.
À cette menue différence près, je crois que nous commençons tous à ressentir ce dont nos précurseurs confinés, chinois ou italiens, ont fait l’expérience avant nous : celle de Bill Murray dans Un jour sans fin. Même réveil trop précoce, même petite musique à la radio, même temps (heureusement plus ensoleillé que pour lui), même routine quotidienne… Si je me souviens bien, la seule manière dont le personnage incarné par Bill Murray parvenait à sortir de la boucle, c’était de devenir un homme meilleur, et de rendre la petite ville où il avait échoué également meilleure, en faisant le bonheur de tous et en évitant tout malheur et toute mort pendant toute la journée. Éviter toute mort pendant tout la journée : exactement ce qu’on fait, finalement, en restant confinés. Et on n’en sortira sans doute quand le nombre de mort sera nul. Donc la comparaison est valable. Pas jusque dans le moindre détail, pour autant. Puisque le calendrier, pour nous continue à défiler. Et que nous ne sommes pas seuls dans la boucle — cela pourrait être un lot de consolation, mais paradoxalement, cela ne l’est pas. Je trouve ça même particulièrement déprimant de penser que mes enfants font la même expérience.
Rappelez-vous vos jeunes années : pour un•e enfant, deux semaines de vacances peuvent paraître un éternité, tant elle ou il s’investit dans le présent. Et l’éternité, c’est long, surtout vers la fin.
Je sais, ça se termine en queue de poisson (ou en eau de boudin, comme vous voudrez), ce texte, mais ne vous en faites pas : je ferai mieux demain. Ou pas. De toute façon, on a le temps, paraît-il. [1]
[1] Et je n’ai nullement hâte des décisions irréfléchies, aux conséquences non pensées sur nombre de catégories de populations, que va nous pondre notre cher chef en chef ce soir.