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Mardi 26 mai

26 mai 2020

General Pause — Chapitre 13

Tous les témoignages dont nous disposons sont de seconde main — ou d’origine douteuse —, et pourrait très bien être très largement postérieure aux événements qui nous occupent. Toutefois, avec toutes les pincettes qu’on imagine, nous sommes en mesure d’établir une première idée de chronologie des événements.
D’abord, des récits antérieurs à la crise nous laissent soupçonner que des crises collectives très localisées ont été observées, bien avant la période de la General Pause. Mais ces crises semblent avoir été encadrées, et tenir lieu de transes chamaniques servant de communion entre des catégories variées de population. Ces crises étaient non seulement très encadrées (dans un lieu déterminé, annoncé à l’avance aux autorités compétentes ainsi qu’à la population), mais aussi sous contrôle étroit de la maréchaussée et de la faculté (un médecin et des sapeurs semblent systématiquement mobilisés pour en suivre et canaliser les éventuels débordements). Une journée entière, comme un véritable charivari marquant le début de l’été, semble d’ailleurs avoir été organisée pendant un court laps de temps, dont les débordements étaient manifestement difficilement contrôlables.
Au début de la General Pause, toutefois, ces crises encadrées et maitrisées semblent avoir été abandonnées, au profit de multiples crises essaimant le tissu sociétal en trois dimensions, d’abord en extrême orient, puis sur ce qui était alors connu comme le « vieux » continent et enfin partout dans le monde. Ça commence généralement par une personne seule à une fenêtre, puis un ensemble de personnes séparées se tenant sur leurs balcons à portée de voix. Les modes d’action sont parfois rudimentaires : la plupart des individus se contentent de leurs mains, en guise d’instrument producteur d’ondes.
Puis les témoignages divergent et ce dont ils parlent devient moins clair. Il semblerait qu’il se passe des choses sur des « réseaux », avec des modes d’action de plus en plus complexes et sophistiquées. Il semble que certains cherchent à faire revivre les transes chamaniques, mais dans un collectif « virtuel ».
Ce concept de « virtuel » nous pose considérablement problème. Si l’on en revient à l’étymologie du terme, il semble que « virtuel » soit associé au « possible » ou au « puissant ». Ce qui ne nous avance pas beaucoup, avouons-le, quant à la nature des phénomènes qui nous occupent. Le « virtuel » est pourtant parfois opposé au « réel », ce qui ne nous avance pas non plus beaucoup : si ce phénomène n’est pas réel, alors qu’est-il ? Rêve ? Fantasme ? Fiction ? Et s’il est possible et puissant, de quelle manière ?
Il semblerait toutefois qu’une véritable pandémie (le terme se retrouve, comme on sait, fréquemment, dans les documents qui nous sont parvenus au sujet de la General Pause) de crises ait gagné toute la planète. L’intégralité de la population mondiale aurait alors été plongée dans une de ces transes autrefois circonscrites. Le temps aurait été « virtuellement » suspendu (quoi que cela puisse signifier), et sa « reprise » dans le « réel » aurait été problématique.
Comment le temps a-t-il ainsi pu se suspendre, « virtuellement », possiblement ou puissamment ? Cela demeure une de ces questions qui font le sel du travail de l’historien…



Dernier ajout : 20 mars. | SPIP

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