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To be or not to be… an alcoholic

28 juillet 2021

Je ne suis pas alcoolique. C’est bien ma veine, tiens ! Il est des jours, comme aujourd’hui, où j’aimerais bien. Je me sentirais moins inutile, je pense.
J’ai bien un verre d’eau à portée de la main, l’illusion ne trompe personne, et surtout pas moi. Peut-être suis-je trop sous influence : celle exercée par l’iconographie canonique de l’écrivain d’après Hollywood. Presque une carte postale, directement inspirée d’Hemingway ou Fitzgerald — poussée à l’extrême par un Bukowski et quelques autres. Nécessairement « o » de quelque chose : alcoolo, toxico, égo, éroto — voire, pire, « mane » : cocaïnomane, héroïnomane, égomane, dipsomane, nicotinomane.
Et puis la clope, évidemment. La clope au bec, les nuages de fumée âcre qui se glissent entre la silhouette courbée du travailleur du verbe et son outil de travail (nécessairement une machine à écrire — caramba ! encore raté !).
J’en suis loin. Ce n’est pas cette petite tasse de café, là, à côté de mon clavier, qui va compenser.
Alors, oui, dans ces moments là, où la motivation se fait évanescente, où les mots semblent vides et la page s’obstine à rester blanche, j’ai bien quelques addictions auxquelles je recours volontiers : m’occuper de la maison, du linge, écouter de la musique à fond (pas n’importe quelle musique, certaines me donnent plus d’entrain que d’autres).
Et puis culpabiliser. Ça, je suis très fort. Aucun doute là dessus. Je suis champion. Sans doute pas champion olympique, mais je ne suis pas mauvais, vraiment. Je pourrais remporter quelques tournois de seconde zone. Sur un malentendu, je pourrais même me glisser dans un tableau du grand chelem.
On procrastine, on relit, on écrit quelques mots que l’on efface aussitôt. Je n’aime pas ça. Je n’aime pas écrire et jeter. C’est très frustrant. Mais il faut bien relancer la machine. Et il n’y a qu’en écrivant que j’y parviens. En m’imposant, en me contraignant, en me forçant, en m’arrachant les lettres une à une.
Je me demande parfois si je ne devrais pas simplement faire cela : écrire, taper, et contempler le ballet de mes doigts sur le clavier. Me laisser fasciner, me laisser entraîner, me laisser bercer par cette polyrythmie rapide et désorganisée, cette musique sans queue ni tête, que suivent au temps près mes doigts bondissants. M’écouter écrire, somme toute, comme d’autre s’écoutent parler ou se regardent filmer. Sans souci de ce que j’écris véritablement. La preuve : je n’ai à présent plus aucun lecteur, plus aucun auditeur que moi-même. Je peux me déverser sans honte ni scrupule. Suivre cette musique enlevée.
Trouver la poétique, sans autre support.
Enfin bon, ça ne fonctionne pas. Je me demande si je ne devrais pas arrêter. Pour aujourd’hui tout au moins.
Tout ça pour dire que je ne suis pas un alcoolique, et que je m’en mords les doigts. Ce serait certainement une solution très pratique (bien que délétère) à ce blocage estival.



Dernier ajout : 20 mars. | SPIP

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