Toponymie
mercredi 30 septembre 2009, par
(Mulhouse)
Sensation claire et familière de la découverte. Couleurs, lumières, noms et boutiques, néons et vitrines normalisés, nationalisés — musique sempiternelle, inactuelle, insituable. L’inconnu n’est ni menaçant ni véritablement dépaysant.
La Ville réserve un accueil souriant, étale sous les yeux du nouveau venu ses charmes et ses beautés dont elle s’efforce d’accentuer l’éclat — ou l’authentique, c’est selon — ici, tous ses efforts sont dans la réunion symbiotique des deux, renforçant l’impression aseptisée qu’impersonnelle elle donne à la descente du train. Elle aimerait nous faire croire à un moyen âge d’or, aussitôt trahie en son sein par la Renaissance qui l’a passé à sa moulinette quichottienne.
Un charme plus que les autres me touche, qui n’est pourtant pas neuf, je l’ai ressenti dans de nombreuses villes de l’est : les noms de rue, leur saveur toujours artisanale et leur tournure irrémédiablement germanique — traduction pure, irréfléchie, lorsque c’est le quotidien qui traduit, peaufine, ajuste, retour sur soi de la langue avec la toponymie.
Elle sera toujours pour moi associée à la couleur de la pierre, mauve passé rougissant au soleil qu’elle semble boire, emmagasiner, en prévision des longs mois d’hiver. Pierre souvent nue — église cathédrale temple petits pavillons — ou peinte de couleurs pimpantes, qui elles aussi nous ramènent à la saveur artisanale des premiers temps du bourg, de sa bourgeoisie marchande et artisanale.
(Strasbourg)
La toponymie de ces villes de l’est nourrirait à elle seule un roman. Une simple déambulation suggère la structure d’à tout le moins un récit. De la rue des Frères, qui part au chevet de la Cathédrale, on croise la Rue des Ecrivains (publics, sans doute) qui débouche sur l’Impasse de la Bière. Etonnant, non ?
(Cathédrale)
C’est l’horloge astronomique qui m’a donné la clef de mon souvenir. Jusqu’à me trouver à ses pieds, l’impression était celle de la découverte : les volumes, les vitraux, les fresques magnifiques qui ornent le chœur, faiblement éclairés d’une lumière diffuse. Impression de voir tout ça pour la première fois.
Puis, au cours de ma déambulation, mes yeux se sont posés sur le petit panneau marqué « Horloge astronomique » et là, malgré l’impression persistance d’ignorance et de découverte, s’impose, se surimpose, la sensation de déjà vu, de déjà connaître : mais bien sûr, il ne fait aucun doute que je suis déjà venu, ai déjà admiré, me suis déjà fait toutes ces réflexions — mais si enfouies que la découverte est à nouveau celle d’un terrain vierge.
P.S. : À ceux qui vivraient ou passeraient par la capitale alsacienne, levez les yeux lorsque vous attendez votre tram — une bonne surprise vous attend (je n’en dis pas plus, cela gâterait votre plaisir).