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19 janvier 2007

17 juin 2008

« I’m through with love, I’ll never fall again. »

Bien que la solitude devienne de plus en plus insupportable, pire que la solitude elle-même sont de voir ses espoirs constamment anéantis. Des espoirs éveillés par des regards, des mots, quelques gestes qui mettent mon imagination hyperactive en marche, entraînant la machine à fantasmes et le train infini des images : une femme nue, de beaux seins offerts, des fesses hallucinantes de beauté dans la simplicité de leur simplicité rotonde, de rondeurs et d’appétit, un pubis aux poils dru et fourni voilant à peine le sexe humide, un ventre appelant la caresse, des bras enveloppants, des jambes longues et galbées, un sourire merveilleux, des yeux bleus dans lesquels je me plonge et même temps que je la pénètre. Une image insupportable, inacceptable. Camus avait sans doute raison quand il parlait d’espoir et de présent.

Pas d’espoir sans passé. Et avoir un passé sans en concevoir des espoirs est une torture de retenue et de discipline qui chasse bien souvent la jouissance de l’instant. Pour moi en tous cas.

Mais voilà, j’en ai plus qu’assez de ces espoirs qu’on ne peut même plus dire déçus, mais annihilés. J’admire celui qui a le pouvoir de ne pas laisser le passé ruiner son présent et ses espoirs en tous points formidable. C’est aussi un peu triste : à tout contrôler et il est fort probable qu’on ne sache plus où aller.

Mais comment pourrais-je avec conviction dire « I’ll never fall again » ?

Comment concilier une misanthropie — toute relative certes — empirique et un humanisme absolu, idéaliste ? Comment avoir foi en soi quand la foi en l’Autre est constamment déçue ?
S’inventer une personnalité alternative ! Vite ! Un prénom et un nom, aussi ! Non, impossible de mentir, même par omission. On devient parfois quelqu’un d’autre mais c’est étrangement toujours soi (est-ce plus soi ou moins, je ne sais, mais c’est toujours quelque chose qui est en soi, dont on n’arrive pas à se détacher).

C’est fou le mal qu’on peut avoir à tenir à une décision. Comme quoi, oui, je peux mentir quand ce sont des fantasmes. Peut-être mon incapacité à mentir sur moi, ma vie et surtout ma vie professionnelle, s’explique-t-elle par le fait que ce sont là mes fantasmes et que je les vis déjà, du moins partiellement. Le jour où je ne mentirai plus du tout, peut-être ce jour-là sera-t-il celui où je serai pleinement heureux ? C’est fort possible… Est-ce ça le bonheur ? (Le vrai, j’entends, pas le bonheur qu’on peut vivre en se mentant aussi à soi-même.) Le bonheur serait d’être « heureux » (ni gêné, ni embarrassé, ni quêtant quelques grammes de compassion ou de commisération) de dire la vérité. Les mensonges que parfois je peux faire sont des fantasmes. Et le jour où ces fantasmes ne seront plus des mensonges, peut-être alors serai-je accompli ? Enfin presque, car c’est sans compter sur les fantasmes suivants, qui viendront remplacé ceux qui ont été assouvis. Qui peut dire que la chaîne ainsi formée n’est pas infinie ? Et qui sait si, pour parvenir à cet état, je ne dois pas aussi me mentir à moi-même ?

Idéaliser son premier amour : c’est le sujet de l’Amour au Temps du Choléra et c’est difficilement surpassable. Les autres œuvres qui en parlent essaient d’en détruire le mythe plus qu’autre chose. Ils essayent tous de dire, en termes simples et prosaïques : « c’est pas bien » !

De toutes façons, à le résumer ainsi, le problème s’apparente bougrement au complexe d’Œdipe et aux diverses névroses inhérentes à l’éducation et à la maturité, qu’on vit plus ou moins bien et dont on ne se détache jamais tout à fait.



Dernier ajout : 9 mars. | SPIP

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