J’érode mon réel. Mes livres s’ouvrent, mes stylos meurent, mes carnets se terminent, mes habits s’éliment et se trouent, ma montre tourne — toujours — à contre-sens. Le reste fatigue.
J’aime voir vieillir les objets qui m’entourent, les manipuler, reconnaître dans la patine laissée par le temps mes habitudes, mes défauts, mes manies et petites obsessions.
J’aime en contempler l’histoire et l’usure à l’aune de nos moments partagés — telles éraflures que je peux, avec un petit effort, (…)
Site de création littéraire plus ou moins expérimentale
Articles les plus récents
-
érosion
15 octobre 2010, par Jérémie Szpirglas -
Fragment — Dérive
14 octobre 2010, par Jérémie SzpirglasNon, je ne veux pas. Je ne veux pas dériver, c’est hors de question. Ou alors donner une impulsion à cette dérive. La dérouter, la diriger, la maîtriser au moins.
En travers de ta route, jamais rectiligne, toujours de guingois.
C’est ton profil que tu présentes à l’adversité, ton trois-quart à tes amis.
Ton regard est traverciel, il glisse sur moi comme une goutte sur une feuille — se détache, tombe à terre.
Cessons un instant de jouer. -
Elles
7 octobre 2010, par Jérémie Szpirglassont toutes réunies là, en germe. Je les reconnais. L’une puis l’autre. Chacune de mes amours, avec ses fragilités et ses charmes. Celles que j’ai connues et celles que j’ai laissées échapper, celles que j’ai effleurées et celles que je n’ai que rêvées.
me retournent toujours le cœur, même ainsi, trop jeunes pour nous avoir vécus. Je les aime encore, mon cœur me pince. Je reconnais leurs regards, leurs sensualités cachées.
m’adressent ce soir un regard ignorant de nous, au fond duquel je (…) -
renoncements
1er octobre 2010, par Jérémie SzpirglasJouer le Clavier bien tempéré et les variations Goldberg. Accorder et régler seul le piano.
Plonger dans les eaux de la Fontaine Saint-Georges à la rencontre des démons des eaux secrètes. Traverser le Gouffre de la Pierre Saint Martin, descendre tout au fond de celui d’Aphanicé.
Nager dans le détroit de Magellan, le descendre de l’Atlantique au Pacifique à bord d’un cargo. Piloter un Bell 47. Jouer la Toccata de Widor sur un Cavaillé-Coll dans la nuit d’une cathédrale déserte. Déchaîner (…) -
Là
30 septembre 2010, par Jérémie SzpirglasLà, là, là et là (il pointe du doigt, en fronçant le nez), et puis là encore. Et ça ne fait qu’empirer (il est rouge, il sue, à bout de souffle), ça bouge un peu partout. L’autre tremble imperceptiblement (son visage est dans la pénombre, on voit ses mains, tranquillement empilées sur la table), l’air bourdonne.
Une carte gigantesque est étalée entre eux, qui brillent dans le cercle vacillant de lumière d’une lampe tempête accrochée au plafond.
Ils sont songeurs tous les deux.
Un livre (…) -
Tristesse suisse
12 septembre 2010, par Jérémie SzpirglasLa vue des bateaux immaculés glissant sur la surface à peine ridée des lacs helvètes m’attriste. Ils ne feront jamais l’expérience de la fragilité de leur existence face à l’immensité écrasante de l’océan, la rudesse nerveuse du clapot, la puissance majestueuse de la houle. Faisant rond dans l’eau, ils achèvent toujours leur parcours. Prisonniers des hauts sommets et des alpages abrupts, ils développent une myopie frileuse, et n’éprouveront jamais cette angoisse essentielle qui précède la (…)
-
C’est une voix qui s’élève
3 septembre 2010, par Jérémie SzpirglasC’est une voix qui s’élève. Si si, je t’assure, une voix parmi la cacophonie des voix. Elle est rauque et lasse, voilà quelques siècles qu’elle se bat sans relâche, fatiguée par tant d’années de lutte, tant d’hivers qui ont voulu l’éteindre.
C’est une voix qui s’élève. Elle bourdonne à nos sens, sans répit. Elle se noue à la gorge, s’accroche à l’estomac. Son onde est délicate et diaphane, elle assourdit le nombril du monde. Aussi (peu) assurée que son impéril, elle se lézarde comme un (…) -
Déclamation
2 septembre 2010, par Jérémie SzpirglasDéclamation, j’écris ton nom.
Déclamation, je contemple tes quatre syllabes qui me laissent sans voix.
Déclamation, je t’essaie, je me retire tout seul dans mon coin, caché aux regards et aux oreilles, caché aussi du silence, auquel je ne saurais adressé ces quelques mots.
Déclamation, j’aimerais t’aimer autant que tu t’aimes.
Déclamation, j’entends ta voix, j’entends ton bourdonnement qui pavent le sentier de mon verbe.
Et pourtant, j’écris ton nom, et je me rapetisse derrière (…) -
L’ami Schubert
9 août 2010, par Jérémie SzpirglasOn le dit hanté par le spectre de Beethoven, inhibé par la puissance et l’ampleur de sa vision. Mais peut-être est-ce justement l’ombre de ce monument qui fait de Schubert ce qu’il est : le compositeur de l’intime et de la mélancolie. Ce n’est en échouant à l’entreprise beethovenienne qu’il se libère de son emprise et devient l’ami Schubert.
Aux antipodes d’un Beethoven engagé dans une lutte prométhéenne avec le transcendant, Schubert est le contraire d’un démonstratif. Le sentiment (…) -
Inachever le jour
6 août 2010, par Jérémie SzpirglasDix jours loin, sans ville, sans horaire — sans connexion et sans même téléphone : ici, je dois être au beau milieu de cette zone non couverte par les réseaux (moins de trois pour cent du territoire) — il y a un endroit où je peux recevoir internet, signal faible. Je ne l’aurai utilisé que deux fois : la première, deux jours après mon arrivée, pour recevoir un mail attendu. La seconde, demain sans doute, pour envoyer ce texte.
Le jour, on entend le ciel coulisser contre lui-même, et tous (…)