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Piano nu
vendredi 8 novembre 2019, par
J’adore écouter travailler un accordeur de piano. C’est une véritable jouissance physique. Le toucher ferme qui projette le son avec autorité, les octaves claires, les quintes ouvertes, les hauteurs qui se rapprochent jusqu’à se confondre, les battements interférientiels dus aux micro-intervalles entre les deux ou trois cordes d’une même hauteur, les accords inattendus répartis sur tout l’ambitus. Sans parler de cette marche harmonique, inévitable et sans fin.
Et, de temps en temps, cette échappée lyrique que l’accordeur s’accorde, comme pour se délier les doigts en même temps que de vérifier sur les dernières notes accordées sont absolument justes.
J’aime la minutie nécessaire, la passion aussi. Ce savoir formidable qui permet de choisir tel tempérament plutôt que tel autre pour s’adapter à un répertoire particulier ou, au contraire, s’assouplir pour tous les répertoires.
J’aime ce son impérial, apparemment non musical et pourtant à la source mathématique de toute musicalité, de toute richesse harmonique.
C’est dans ces moments là que je comprends des compositeurs comme Scelsi ou Feldman. Et c’est dans ce même état un peu hébété de contemplation, sans attente aucune, comme on regarderait un feu ou les étoiles, qu’il faut écouter.