Ce n’est pas lever un voile, c’est chausser des lunettes. Chaque lettre a son contour, chaque mot sa couleur, et le réel se cisèle au fil de la plume. On y distingue un océan qui lui, une hélice métallique qui tourne majestueusement dans l’éclat d’un couchant lavé par les pluies, quelques éclats de couleurs — comme des éclats de rire d’enfant dans une cour de récréation (en plus tranquille et moins bruyant), des lignes au cordeau, au couteau, au rasoir, qui fendent l’air comme une étrave (…)
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Articles les plus récents
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Lunettes
12 juin 2010, par Jérémie Szpirglas -
Une actualité qui gratte
9 juin 2010, par Jérémie SzpirglasL’actualité me gratte — la plante des pieds, c’est terrible. Et l’agenda urtique ma jambe gauche — on n’en sort pas. Je suis au cabaret — petit cabaret à la voix fluette —, j’ose à peine regarder vers le bas, de peur que tout le monde me devine.
Voilà que ça me relance à nouveau. C’est violent, dissonant, ça m’attaque sans ordre, pied gauche, flanc droit, nuque (humide), bout du nez (évidemment, on n’y échappe pas) — série terrible et fascinante, on n’ose chanter avec elle, de peur de (…) -
Bien agiter avant de servir — Servir très frais !
8 juin 2010, par Jérémie SzpirglasMais avant. Avant l’urgence, avant le mur, avant la séparation. Avant. Avant, on croyait qu’on pouvait aller toujours de l’avant. Etendue vierge et plombée de soleil — sans un footballeur en vue, si-si, même là-bas, c’était possible. Une caravane s’avançait, ignorante des massacres anglo-zoulous. Avant, c’était l’immensité du veld et des gazelles vertes, parcourue par une expédition digne de tous les mythes — avec en outre, pour qui s’ennuierait de tant de majesté, un petit Roméo ramoneur et (…)
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Effacement
12 mai 2010, par Jérémie SzpirglasC’était comme s’ils disparaissaient à jamais du vocabulaire, effacés des dictionnaires d’hier et d’aujourd’hui, oubliés, désuets désespérés.
Leur sens perdurait, on les cherchait toujours — car on en avait toujours besoin, de ces sens-là, toujours — mais en vain, on ne les trouvait plus.
Et ainsi, de mois en mois, d’année en année, de plus en plus de sens perdaient leurs mots.
Quelques uns cherchaient à pallier leur absence, approximant en fouillant l’étymologie — ils battaient l’air (…) -
Glissement
11 mai 2010, par Jérémie Szpirglasdepuis ce coup violent sur la tête, reçu en pleine contemplation, on lui trouvait un je ne sais quoi de changé, de différent. imperceptible. ineffable. on ne parvenait à mettre le doigt dessus que quand on lisait ce qui sortait de dessous sa plume.
quelque chose de lacunaire. quelques lettres lui échappaient. au détour d’une phrase, une lettre escamotée. on ne pouvait pas parler de fautes de grammaire — c’était rarement des oublis de s au pluriel, ou autres fautes d’accord — ni même (…) -
Dandysme
26 avril 2010, par Jérémie SzpirglasProust au vol.
Finesse et lourdeur alliées en un. Lourdeur d’une syntaxe qui ressemble à un cerisier courbé de fruits au mois de juin, mais dite avec cette légèreté de ton, ce murmure discret de l’esprit savant et brillant qui se sait écouté et guetté. Délicatesse du vocabulaire dont la richesse ne choque qu’au tournant de la phrase, là où on ne l’attend pas, — et cette fascination pour le mot plus qu’à moitié juste, qui trimballe derrière lui ses cinq syllabes sonnantes et trébuchantes. (…) -
Détour — Découragement
16 avril 2010, par Jérémie SzpirglasÇa pèse, le découragement, faut le soulever, porter ses cent kilos sur ses épaules, avancer.
Mêlons les époques, faisons de tous ses instants un seul. Le même, convergent, vers ce point d’équilibre incertain, d’une voix pleine de reproches.
Un haussement d’épaules, une pilule oblongue et blanche au creux de la paume inerte. On contemple sagement, sans une pensée — toutes les longues poses de contemplations qu’on qualifier sans réfléchir de « pensive », alors que l’esprit est le plus (…) -
Que ça pousse
6 avril 2010, par Jérémie SzpirglasParfois, j’aimerais qu’un texte pousse sans moi. Comme une plante. Verte. J’aurais juste à l’arroser de temps en temps, lui donner quelques mots en pâture, l’exposer à la lumière, laisser la sève faire son travail. De temps à autres, je m’arrêterais devant, je contemplerais les nouvelles ramifications du branchage, je m’émerveillerais comme un gamin à la vue d’une nouvelle feuille au printemps — une fois, deux fois, puis je me lasserais sans doute, je me mettrais alors à le mesurer, à (…)
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Esquisse(s)
26 mars 2010, par Jérémie SzpirglasQuelques hommes la regardent.
Elle le sait.
Ajuste de deux doigts délicats une mèche qu’elle croit rebelle et qui lui retombe aussitôt sur le front. Attire le regard sur son regard sans apprêt.
Tête rentrée dans les épaules, buste en avant, pas rapide, nerveux, le casque noir de cheveux bouclés comme indifférent aux bourrasques de vent, yeux cillés, visage fermé, prise dans le quotidien, occupée ailleurs pour son trajet pressé.
Debout, grande, exposée à tous, large décolleté porté (…) -
Just another date…
22 mars 2010, par Jérémie SzpirglasIl t’a invitée.
Tu as accepté.
C’était naturel. Il n’y avait rien d’autre à faire.
Sa conversation était fluide et plaisante, délicatement parsemée de quelques références un peu au-dessus de la moyenne. Séduisant — sans trop — charmant — il le sait, en joue juste ce qu’il faut — et c’est l’ami d’une de tes amies (Elle t’a assurée qu’il n’y avait jamais rien eu entre lui et elle et que d’ailleurs, protestant, tu sais bien, tu m’connais, elle était heureusement mariée et que si quelque (…)