Accueil > The Virus Diaries > Dimanche 21 juin

Dimanche 21 juin

Songe d’une critique d’été

dimanche 21 juin 2020, par Jérémie Szpirglas

Et puis l’on s’arrête un moment — le temps d’une sieste enfantine, d’un calme apparent, l’œil du cyclone peut-être, ou le passage d’un front. Le temps ne s’arrête pas, non, bien sûr. Et avec chaque seconde l’imminence de la reprise est palpable. Mais ce n’est plus dans l’air qu’un léger bourdonnement.
Il fut un temps où je ne trouvais cette qualité de silence, et cette acuité des sens, qu’au fond de la nuit, ni trop tôt, ni trop tard : aux alentours de 2 ou 3 heures du matin. Éveillé, certes, aiguisé, bien sûr, mais les barrières inhibitrices abaissées, laissant s’écouler des affects ou des émotions qu’ordinairement que je réprimais, ou dont je me souciais peu, qui sait. Lâchant aussi la bride à certaines associations d’idées apparemment absurdes, mais pas tant que ça, à une certaine liberté avec la langue également. Ces derniers temps, je ne retrouve le plus souvent cette sensation si agréable que pendant la sieste de mes enfants. C’est-à-dire là, maintenant, tout de suite.
Aujourd’hui, toutefois, l’écriture ne vient pas facilement. C’est autre chose que cet esprit (un brin plus) clair choisit d’explorer. Avant de me livrer à mon pensum quotidien, je me suis pris à songer à ces centaines de textes produits depuis trois mois. Sans les relire, une partie m’est revenue en mémoire, et je me suis pris à en détester certains. Détester est peut-être un mot un peu fort : disons que je porte sur eux un regard critique et sévère. Rien n’y est : ni la qualité d’écriture (trop ampoulé, trop forcé, ou au contraire trop plat), ni le ton (sentencieux, moralisateur).
Les premières entrées de ce journal étaient, à bien des égards, meilleures : plus fluides, moins contrites — même elles étaient trop souvent le fruit d’une colère ou d’une révolte qui en diminue d’autant l’impact, avec le temps. C’est le jeu, évidemment : un journal ne peut s’affranchir tout à fait de la réaction à l’instant dans lequel il est rédigé. La justesse de ses remarques est, également, assujettie à la manière dont les situations évoquées se dénoueront. Et la contrainte d’écriture quotidienne, sans retravail a posteriori, ne peut évidemment prétendre à une quelconque constance dans la qualité.
Concernant les commentaires d’actualité, j’aurais aimé trouver une forme d’ironie, de détachement acerbe en même temps qu’ancré dans le présent, dans l’action. Cela a pu être le cas deux ou trois fois. Ou alors une poétique de l’éphémère — là encore, je crois pouvoir trouver quelques (humbles) réussites, trop rares, hélas, pour prétendre à devenir autre chose que ces petits fragments d’instants.
Certains textes portent en eux les prémices d’autres choses : les essais fictionnels, bien évidemment. L’un d’entre eux, General Pause, à défaut de savoir où il pourrait me mener, a eu l’immense avantage de beaucoup m’amuser ! Mais, comme toujours, l’élan des débuts est toujours difficile à entretenir. Une bonne idée ne suffit pas.
Maintenant, il faut bosser.