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Bien agiter avant de servir — Servir très frais !

Episode I

vendredi 11 septembre 2009, par Jérémie Szpirglas

Exil de jus d’orange et de banlieues enneigées, accueil amical, bienveillant et têtu, fuite vers l’avant qui s’enfonce dans les méandres géographiques de l’Histoire (avec un grand ou un petit h, selon l’humeur et la température extérieure sous abri). Nouvelle errance, nouveau Wanderer, détachement et rattachement ultérieur arbitraire. Ne reste que la compulsion... et l’éternel jus d’orange qui ne tachera jamais la neige ni la cour.

Aphorismes, traits d’esprit et absurdité. Le langage se retourne sur lui-même, sans effort, les idées, concepts ne sont plus qu’objet sans autre valeur que leur son et leurs jeux. Et ainsi de suite, de fou rires en sourires, mené à notre barbe en bateau.

Du même, rocamboles et capitaines, ses boissons et ses déliriums aussi minces soient-ils.

Et puis encore, pourquoi pas, des bribes de vieille actualité passé à cette moulinette acerbe et tendre, mi-amusée et toujours sérieuse — contradiction ? Où ça ?

Et si l’on allait au cinéma, à présent ? Sans Irma, mais avec Hannah. On y trouvera une grande famille forcément dysfonctionnelle (plus ou moins), des hommes torturés aux gueules tout droit sorties du cinéma suédois, des tromperies et des désillusions — sous un humour plus trompeur encore, mais qui est encore dupe ?

Sans doute une histoire d’amour. Ça en a toutes les caractéristiques distinctives — les signes extérieurs de richesse émotive. Elle est dans la Lune, il se croit son premier homme, et ainsi main dans la main vont traversant les révolutions et les remises en ordre forcées par la main d’un intelligence qui n’a plus rien de sélénée et que l’on devine sans effort sous son secret.

Encore de l’amour — que serait la vie sans ça ? Encore de l’amour, filial, fraternel, empêché, impossible, allant au devant de sa destinée pour finir seule dans un caveau. L’un d’eux s’est crevé les yeux, l’autre, un de ses rejetons ou de ses frères (qui saura jamais ?), a pris les armes contre la cité, et sa soeur (ou est-ce sa fille, la petite-fille de sa mère ?) qui se révolte, rappelle le divin sur le divan, veut l’absolu et rien d’autre, ni compromis, ni argument. Tout ça est d’un tragique !

Tout cela est bien sombre, et ça ne va pas en s’éclaircissant. Car à présent sans le tragique même de notre espèce dont il est question — incontournable, irrépressible, que l’on s’efforce pourtant quotidiennement d’oublier et dont certains vont même jusqu’à nier l’existence (les cons). Un homme croit à ce qu’il croit se bat pour ce qu’il se bat est arrêté pour tout ça et envoyé travailler pour le punir de ce qu’il croit et ce qu’il se bat. Mais ce n’est pas tant du travail qu’un rabaissement, une humiliation. Et la langue a mal avec lui, les idées souffrent, les concepts se brouillent, la beauté est à jamais remise en cause, la vie devient impossible. À terme, du moins.