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Mercredi 1er avril
Routine, fatigue et quelques poissons
mercredi 1er avril 2020, par
Jour après jour, la routine s’installe. L’emploi du temps est respecté, mais de très loin. C’est comme la loi : il y a la lettre et l’esprit. À mesure que le temps passe, nous nous intéressons davantage au second qu’au premier. Il faut se protéger. Et éviter les frictions évitables. Un peu de devoir, mais pas trop. Quelques sorties, mais sans se donner des objectifs trop ambitieux — se dégourdir les jambes, s’étirer un brin le dos. Idem pour la cuisine (et ce n’est pas de l’agueusie que de dire que l’ennui guette un peu — je rêve de quelque chose d’un peu plus épicé). Même le sommeil — même si mon onirisme est, ces dernières nuits, d’une rare richesse : si j’ai le temps, j’essaierai d’en coucher quelques-uns par écrit. Une forme d’anhédonie, du moins dans certains domaines. Dans d’autres, comme l’émerveillement face aux développements et aux éclairs lumineux que me réservent mes enfants, j’avoue que le plaisir est exacerbé — il suffit que je repense à ce moment, à la toute fin de la classe virtuelle que mon aîné a faite aujourd’hui, et où, après une grosse demie heure à s’être tenu parfaitement à carreaux, à avoir lu sans problème des paragraphes entiers, le voilà qui demande la parole, et pour dire quoi ? « Je t’aime, maîtresse ! », ou à ces tentatives de ma plus petite pour s’asseoir, et à ses rires de baleine quand je lui fais signe de venir me voir, ou encore à ces réflexions étonnantes de lucidité du deuxième…
Jour après jour aussi, la fatigue s’installe. Une fatigue qui n’est pas étrangère à la routine, et qui l’aide aussi en retour à s’apaiser. Comme promis par mon médecin, la fatigue varie singulièrement selon les moments de la journée : le réveil est dur, la matinée est plutôt sympa, puis le déjeuner et le début d’après-midi sont assez gluant. J’essaie de générer un regain d’énergie en fin d’après-midi, mais il ne suffit pas de le décider pour le provoquer. La fatigue touche surtout les adultes. Les enfants ont l’air d’y être immunisés. Au contraire, le confinement joue le rôle de cocotte-minute pour leur énergie — et voilà quelques jours que celle-ci sature en pression : il faut absolument baisser le feu, quand bien même on n’arriverait pas à le couper.
Aujourd’hui, enfin, c’est le 1er avril. Et notre aîné s’est mis dès le réveil à son artisanat furieux, produisant anguilles et soles à profusion pour la journée, et agrémentant chacun d’un petit message personnalité : un « je t’aime » par-ci, un « je te refile toutes mes maladies » par-là (l’épidémie fait son effet sur son imaginaire), un « plein de bisous et de câlins » pour sa sœur… En tout et pour tout, une bonne journée — même si c’est notre vie toute entière qui semble une farce ces jours-ci. Mais qui nous a donc fait ce mauvais tour ?